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Par Sarah Boucault le 12 avril 2023

Cette article que vous pourrez lire dans son intégralité via le lien ci-après ouvre le sujet de la sexualité adulte après avoir subit l’inceste durant l’enfance par un autre mineur de la famille (frère, cousin,…)
Plus de 25% des couples qui sont venus me rencontrer sont concerné.
Chacun à exprimé des difficultés dans leur vécu sexuel (silence, honte, isolement, rejet, loyauté familiale, addiction et comportement à risque…).
Si vous êtes concernés et si vous souhaitez travailler sur vos difficultés, prenez rendez-vous.

Depuis l’enfance, nos parents n’ont eu de cesse de nous répéter que nous étions « cousins préférés »…
Inceste commis par des mineurs, le grand déni.
Un phénomène massif, qui existe de tout temps et qui reste encore plus tabou que l’inceste avec un agresseur adulte.
Il n’existe pas de statistiques fiables concernant les incestes commis par les frères ou les cousins. Si l’on considère que 6,7 millions de Français·es ont été victimes d’inceste (sondage Ipsos pour l’association Face à l’inceste, 2020) et qu’entre 25 et 33 % des situations concernent un agresseur mineur comme l’affirment les études de Mireille Cyr et Dorothée Dussy, alors ce sont entre 1,7 et 2,2 millions de Français·es qui seraient victimes d’un inceste subi enfant et commis par un autre enfant ou un adolescent.
Le nombre de mineurs auteurs d’inceste reste difficile à chiffrer. En 2019 et 2020, « parmi l’ensemble des 4 750 mineurs poursuivis pour agressions sexuelles et viols, 14 % relèvent d’infractions sexuelles incestueuses », rapporte Marie Romero, qui précise que ces chiffres sont à prendre avec
« beaucoup de prudence » puisque seules 10 à 20 % des victimes révèlent les faits à la justice. En 2021, le ministère de la Justice faisait état de 86 condamnations de mineurs pour viol incestueux sur mineur·e et 275 pour agression sexuelle incestueuse sur mineur·e, un chiffre qui a plus que doublé entre 2020 et 2021. Une peine d’emprisonnement a été prononcée dans plus de huit cas sur dix pour viol, et dans la moitié des cas pour agression sexuelle.

Les mineurs auteurs de violences sexuelles incestueuses étant très majoritairement des garçons (92 % d’après l’enquête de la sociologue Marie Romero), nous utilisons exclusivement le masculin pour les désigner dans cet article.
En 2018, mon cousin Maurice* m’a demandé d’être la marraine de sa fille qui venait de naître. J’avais 32 ans. J’ai dit oui tout de suite. Pas l’ombre d’un doute. Ce n’est que deux ans plus tard que la déflagration survient. Les souvenirs remontent et me percutent. La dernière fois que Maurice a essayé de me violer dans mon sommeil, j’avais 26 ans, lui 28. La première fois, je dormais aussi et j’en avais 9. Depuis l’enfance, nos parents n’ont eu de cesse de nous répéter que nous étions « cousins préférés », et j’ai continué à fréquenter Maurice assidûment en dehors des fêtes de famille. Comment aurait-il pu me faire du mal ? L’explication se trouve ici : famille incestueuse. Un oxymore qui associe « lieu de sécurité et d’amour » et « violence innommable ».
Dans l’imaginaire collectif, l’inceste c’est un père (ou un beau-père) sur sa fille (ou son fils), pas un cousin sur une cousine d’âge similaire. Deux enfants, ce serait anodin et rare. Ça ne l’est pas : les agressions sexuelles et les viols entre enfants ou adolescent·es d’une même famille sont des crimes qui entraînent des traumatismes majeurs. Ils constituent un fait de société massif, entre un quart et un tiers des cas d’inceste d’après les chiffres que j’ai recoupés, soit quelque 2 millions de Français·es concerné·es. Les auteurs sont des garçons dans une écrasante majorité des cas, tandis que les agressé·es sont autant des filles que des garçons, ce qui est assez inhabituel (1). L’âge moyen des victimes lors de la première agression est de 7 ans, selon l’étude de la chercheuse canadienne Mireille Cyr (2), une des seules qui se soit penchée sur ce phénomène.
Car ce sous-inceste reste largement sous-documenté. Quasiment pas de littérature scientifique, ni de commission parlementaire dédiée à cette question. Si les podcasts, essais et documentaires, se multiplient depuis #MeToo, très peu évoquent ces situations particulières. En France, outre quelques témoignages de victimes – dont celui très médiatisé du fils de Philippe de Villiers (3) – seuls deux essais traitent de ce sujet (4). Et le Code pénal ne fait aucune mention de cet inceste spécifique, commis par un enfant.
L’indifférence, la minimisation et le déni conduisent à une silenciation écrasante de ce phénomène. Pour plus de facilité, mes proches et mes psys qualifient Maurice de « malade mental ». L’inceste perpétré par un mineur sur un·e autre mineur·e est pourtant le produit d’une organisation familiale et sociale défaillante, où la dimension systémique est gommée au profit de la figure de l’agresseur isolé et « timbré ». Au travers de cette enquête, je m’applique à montrer en quoi cet inceste est un fait social majeur.
Famille incestueuse et transmission silencieuse
Dans son livre La Familia grande (Seuil, 2021), Camille Kouchner décrit tous les ingrédients typiques de la famille incestueuse. On y trouve les baignades, nu·es dans la piscine ; l’absence de cadre autour de la sexualité ; un fonctionnement en vase clos ; l’injonction au silence ; le déni de la mère et le secret gardé pendant des décennies. Ce climat incestuel existe dans toutes les familles des victimes que j’ai rencontrées, dont celle de Jessica. Lors de notre rendez-vous dans son appartement, ses deux chiennes sautillent autour de son fauteuil roulant. Avec calme et clairvoyance, Jessica me raconte les viols qu’elle a subis de la part de deux de ses cousins âgés de 15 et 16 ans quand elle avait 9 et 10 ans. Elle souligne que son père, lorsqu’il était trentenaire, s’est mis en couple avec une jeune femme de 17 ans, elle-même cousine de la mère de Jessica. « Elle lui faisait des fellations dans la voiture alors que j’étais à l’arrière. Dans ma famille, l’inceste est monnaie courante, toutes les filles ont été violées par les grands frères, les cousins. » Mathieu, 38 ans, vient d’une famille nombreuse. Il hésite à témoigner, de peur que ses parents, ou l’un·e de ses frères et sœurs tombent sur l’article. « Ils et elles m’en voudraient, car personne ne souhaite que ce soit divulgué. » Il raconte avoir été violé et agressé sexuellement, entre ses 7 et 10 ans, par son frère de cinq ans son aîné. À 11 ans, Mathieu a reproduit ces actes sur ses deux petits frères. Très tôt, il a ressenti ce climat incestuel dans sa famille : « Mon père me faisait des massages qui me posaient problème. Il ne me massait ni les fesses ni le sexe, mais il y avait quelque chose d’incompatible avec les coups qu’il me donnait par ailleurs. »
Dans ma famille, au contraire, l’inceste s’est infiltré par la peur de la sexualité. Un curé a commis des viols sur ma grand-mère et cinq de ses sœurs quand elles étaient enfants. Elles ont tu ces violences, ne les révélant qu’à l’orée de la vieillesse. Même s’il ne s’agit pas ici d’inceste, ce silence a probablement contribué à instaurer un climat tabou et favorisé les nombreux cas d’inceste chez les enfants et petits-enfants de ces femmes. Dans la fratrie de douze enfants de ma grand-mère, un frère mineur a aussi violé une de ses sœurs de huit ans sa cadette.
Maurice, moi et les autres enfants de notre génération portons cet héritage-là. « L’inceste entre frères et sœurs, cousins et cousines n’existe pas originellement, affirme Sokhna Fall, ethnologue et thérapeute familiale. Ce qui existe, ce sont les familles dysfonctionnelles incestueuses, où les adultes sont impliqués. » L’inceste se propage dans une famille, sans mots, sans conscientisation, par « contamination du silence sur la pratique », décrit l’anthropologue Dorothée Dussy, dans Le Berceau des Dominations. Anthropologie de l’inceste (2013, Pocket 2021), un essai majeur issu de son travail de thèse dans lequel elle analyse l’inceste comme fait social : « L’inceste survient dans une famille où il est toujours déjà là : les enfants viennent au monde avec des parents, des oncles, des tantes socialisés avec l’inceste. »
La culpabilité se transmet de victime en victime
La psychologue Laurence Alberteau est l’une des rares spécialistes des mineurs auteurs de violences sexuelles. « Très peu de psys veulent faire ce que je fais », me dit-elle lors de notre rencontre dans son cabinet nantais. Elle observe souvent cette transmission silencieuse de l’inceste : « Je me souviens de l’un de mes patients, mineur, qui avait abusé de son neveu, et ne s’expliquait pas son acte. Je creuse un peu avec la mère, et je découvre qu’elle et sa sœur ont été victimes d’abus dans leur enfance. Le patient met en acte quelque chose dont elles n’ont jamais parlé. C’est très subtil, ce n’est pas délibéré. Les enfants sont perméables au non-verbal et aux secrets de famille. On ne se l’explique pas scientifiquement mais on le constate. »
Cet exemple montre comment, en l’absence de politiques publiques et de prise en charge suffisante des agresseurs (désignés comme « mineurs auteurs » par les professionnel·les), la culpabilité se transmet de victime en victime. Les mères portent malgré elles la violence perpétrée par d’autres, et ses conséquences sur leurs enfants. On peut dès lors faire l’hypothèse que les viols commis par ce curé sur ma grand-mère et ses sœurs, et leur silence contraint par les œillères de l’époque, expliquent en partie les agissements de Maurice à mon égard.
Les adultes sont souvent anesthésié·es et aveuglé·es par le poids de décennies de silenciation et transmettent ce qui relève de leur « normalité » à leur descendance. Chacune des victimes rencontrées pour cette enquête a mentionné au moins un autre cas d’inceste dans sa famille. À propos des parents de victime incesté·e, la chercheuse en psychologie Mireille Cyr écrit : « Entre 40 et 80 % [de leurs] parents ont vécu eux-mêmes une agression sexuelle dans leur enfance, ce qui représente plus du double, voire quatre fois les taux de prévalence rapportés dans la population générale. » L’universitaire canadienne nuance ses résultats en raison d’un échantillon de petite taille (52 dossiers étudiés dans la grande région de Montréal), mais c’est, à ma connaissance, la dernière étude scientifique traitant de ce sujet.

Lien : https://revueladeferlante.fr/inceste-commis-par-des-mineurs-le-grand-deni/

Une réponse à “Inceste commis par des mineurs ; le grand déni”

  1. Tous mon soutien. C’est important de se faire aider, Mme DO est une survivante et témoigne souvent dans les médias sur le sujet. Seul ou en couple il est important de ce faire aider.

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